Lettre d'informations n°11 : 30/08/2015

Juste avant de nous envoler pour les Rencontres cinématographiques de Béjaïa, et pour cette onzième newsletter des nouvelles du front cinématographique (site et page facebook), nous soumettons à votre lecture les textes suivants :

 
1) En premier lieu, la deuxième partie de notre analyse des blockbusters du printemps dernier et de l'été, toujours dans la rubrique des "Nouvelles du front cinématographique". En attendant la sortie du prochain épisode de la saga Star Wars 7 : The Force Awakens de J. J. Abrams, suivons-nous avec Ant-man, Fantastic Four et Mission Impossible 5 : Rogue Nation les infimes galeries construites sous le sol (qui ressemble toujours plus à un cimetière) des éléphants hollywoodiens par quelques rares termites moins au service du tiroir-caisse que du cinéma. La première partie est toujours disponible ici.
 
2) Dans la catégorie des "Autres textes de cinéma", nous analysons l'insolent court-métrage Haramiste de Antoine Desrosières où deux jeunes frangines voilées, telles deux cousines moins rohmériennes qu'eustachiennes, se servent du langage comme d'un moyen poétique et pragmatique de transgression des attendus objectivement ou subjectivement associés à leur pratique religieuse. 

Pour information, nous animerons une discussion en présence du réalisateur et des deux actrices du film au cinéma L'Accattone, 20 rue Cujas, Paris 5ème, lundi 31 août, à 20h15.
 
Aussi, avec notre lecture du dernier ouvrage de Jean-Louis Comolli, Cinéma, mode d'emploi, nous nous attacherons à démontrer comment l'auteur, cinéaste et théoricien pense la situation actuelle du cinéma (documentaire en particulier - mais le documentaire soutient, on le sait, une vérité générique propre à tout l'art du cinéma) à l'intersection de l'héritage bazinien du réalisme ontologique de l'image cinématographique d'un côté et de l'autre des nouveaux développements technologiques et numériques affectant la production des films.
 
3) Nous proposons également de continuer dans la catégorie "Champ contre champ" notre intégrale imaginaire consacrée à John Carpenter. Avec cette quatrième et dernière partie, nous évoquerons entre autres Vampires et Ghosts of Mars, mais aussi ses dernières réalisations pour le moins méconnues (deux épisodes de la série Masters of Horror et l'inédit The Ward). Des films plus ou moins malheureux démontrant le sort injuste affectant aujourd'hui l'un des derniers mavericks de Hollywood.
 
4) Dans notre catégorie intitulée "La séquence du moment", nous nous sommes attaché-e-s à créer une playlist des meilleurs sketchs (en Version Originale) du duo comique américain Tim Heidecker et Eric Wareheim, des satires plutôt crues et assez déjantées du consumérisme par le biais de publicités vantant les mérites de marchandises aussi improbables et que symptomatiques de la bêtise capitaliste.  
5) Dans la catégorie "Le bon plan du mois", Les Oiseaux de Alfred Hitchcock refont une apparition fracassante. La presse tabloïd nous avertit de faire attention aux goélands, il semblerait qu'ils se soient inspirés du classique ressorti récemment en copie numérique flambant neuve.

7) Enfin, notre sélection musicale mensuelle fait une dernière escale dans les musiques des films de John Carpenter (Vampires), passe par le thème électro composé par Tangerine Dream pour le film Sorcerer de William Friedkin (ressorti récemment sur les écrans), une création de Panpan Master/Fujiko, à partir d'une séquence de Cruising du même réalisateur et s'envole avec les accents électro-hindous de Morning side de Four Tet. Une fois n'est pas coutume, nous vous proposons un sketch de Jim Carrey en dragueur du vendredi soir sur le tube de Haddaway, What is Love.
 

Intéressé-e-s par quelques chiens au cinéma, nous avons également monté une seconde playlist où les aboiements canins se substituent aux cris des goélands : des Beatles aux Beach Boys, de Pink Floyd à David Bowie en passant par Daniel Johnston, demain les chiens seront partout !

Lettre d'informations n°12 : 27/09/2015

La rentrée est bien entamée et, à l'occasion de cette douzième newsletter des nouvelles du front cinématographique (site et page facebook), nous soumettons à votre lecture les propositions suivantes :
1) En premier lieu, dans la rubrique des "Nouvelles du front cinématographique", nous présentons notre analyse en trois parties des Mille et une nuits de Miguel Gomes : L'InquietLe Désolé et L'Enchanté sortis respectivement fin juin, fin juillet et fin août. Le film de notre été cinéphile, inspiré du geste propre aux Milles et une nuit, plonge dans une mosaïque d'histoires vécues par le peuple portugais durant la période d'austérité (juillet 2013 - août 2014) afin que cette moisson de récits serve de supports d'expérience à une vaste légende populaire s'écrivant au présent. Si l'on doit discuter certaines de ces inflexions politiques, on devra aussi se réjouir : les djinns y côtoient les animaux, les enchevêtrements du documentaire et de la fiction souvent enchantent, tandis que le cinéaste sous le masque de Shéhérazade se fait le narrateur d'un peuple dont la souffrance appelle moins la commisération qu'une requête de dignité attentive à l'invention de ses multiples formes de résistance.
2) Dans la catégorie des "Autres textes de cinéma", nous analysons un moyen-métrage seulement disponible sur Vimeo à la demande, Free Party de Fred Gélard tourné au sein d'une communauté de travellers des Cévennes, ce dernier investissant le paradoxe esthétique du dédoublement des greffes proposées, l'une qui prend (le rapport d'inscription de la fiction dans le documentaire) et l'autre qui ne prend pas (le roman de formation concernant le jeune héros soucieux d'intégrer cette communauté se concluant sur un échec).
3) Dans notre catégorie intitulée "La séquence du moment", nous nous sommes attaché-e-s à montrer par le biais de la figure agissante du cinéaste israélien Avi Mograbi la puissance universelle de désobéissance dont son geste documentaire est politiquement porteur.
4) Nous ajoutons à la rubrique "Montages", un triptyque hugolien exposant des facettes contradictoires d'un personnage figé dans un certain consensus humaniste, éminent partisan du modèle républicain jusque dans ses manifestations bourgeoises, coloniales et impériales.

5) Enfin, notre sélection musicale mensuelle se divise en deux propositions : 
 
D'une part, c'est une sélection bariolée qui commence sous les auspices d'un voyage sur la lune grâce à la musique planante de Air, fait une escale sur la Plastic Beach de Gorillaz, passe par le monde totalitaire décrit par le film Orange Mécanique de Stanley Kubrick, fait un détour par le monde pop de Modesty Blaise de Joseph Losey pour se conclure par la reprise de Hurt, initialement interprétée par le groupe Nine Inch Nails, par le rocailleux Johnny Cash.
 
D'autre part, une playlist électrique dédiée à l'esprit punk de nos amants cinéma préférés.

Lettre d'informations n°13 : 29/10/2015

Bientôt le mois de novembre et c'est l'occasion de cette treizième newsletter des Nouvelles du Front cinématographique (site et page facebook), avec les propositions suivantes :

1) En premier lieu, dans la rubrique des "Nouvelles du front cinématographique", nous présentons la première partie de notre analyse en trois volumes consacrée aux films du cinéaste libanais Ghassan Salhab (partie 1). De Beyrouth fantôme à son avant dernier long-métrage, La Montagne, et dans l'attente de La Vallée son prochain film annoncé, nous nous serons perdus avec lui dans les rues de Beyrouth, y rencontrant de fascinants monstres, des revenants, des prêtresses, des vampires aussi. La cité qui promet à ceux qui l'habitent les ensorcellements du faux-mouvement est aussi la capitale de la douleur dont les cicatrices ne cessent d'indiquer le composé labyrinthique des différentes strates de temps en formant l'archéologie. Nous aurons enfin fait la rencontre d'un geste cinématographique préoccupé de mobiliser les ressources esthétiques de la modernité afin de proposer à notre sensibilité la nécessité de relever, au moins poétiquement, la somme de divisions dont son auteur est couturé.

2) Dans la catégorie des "Autres textes de cinéma", nous aurons regardé le nouveau court-métrage de Yassine Qnia, F430, petite mécanique à la précision imparable qui fait entendre dans les rues d'Aubervilliers, mieux que la ritournelle des calculs égoïstes, le cluster d'une fièvre incendiaire : celle qui s'empare du garçon désœuvré qui voulait joyeusement en abolir le cercle au nom de la pure dépense, solaire et somptuaire, improductive.

 
C'est alors l'excellente occasion pour vous annoncer la programmation de F430 au 104, le cinéma municipal de Pantin, jeudi 19 novembre à 20h15, lors d'une soirée consacrée à Yassine Qnia à l'issue de la 3ème édition des journées professionnelles organisées par « Cinémas 93 »,l'association des cinémas publics du département francilien.
 
3) Dans notre catégorie intitulée "La séquence du moment" et en hommage à la réalisatrice belge Chantal Akerman, nous avons eu envie de revoir son premier court-métrage, Saute ma ville, où elle s'ingéniait à saper avec une sauvagerie burlesque et enfantine les fondations d'une existence étriquée, avant de fermer ses yeux verts et finir par s'endormir, déjà, passée de l'autre côté du miroir.
4) Cela fait par ailleurs un moment que nous suivons le travail du metteur en scène Olivier Coulon-Jablonka. Une lecture de sa dernière pièce, 81 avenue Victor Hugo, reprise au début de l'automne au Théâtre de la Commune à Aubervilliers est disponible dans notre section « front social et le reste ». Les citations à comparaître y sont huit fois incarnées mais elles relèvent ici des puissances propres à la comparution théâtrale en ce qu'elles se distinguent et même désactivent la comparution judiciaire. En supplément, un texte rappelle que le metteur en scène entouré des membres de sa troupe du Moukden-Théâtre avait proposé au Blanc-Mesnil un passionnant Petit Mahagonny.
5) Enfin, notre sélection musicale mensuelle se divise une nouvelle fois en deux propositions distinctes mais pas antithétiques : 
D'une part, c'est une sélection hétérogène qui démarre avec les accords polaires d'Ennio Morricone pour un film de John Carpenter, continue avec les chants de Hope Sandoval hantant les allées du cirque paradisiaque de Massive Attack, passe par l'insolite reprise d'un hit de Metallica par une chorale féminine belge, repasse par des chants bulgares traditionnels entendus dans Rencontres au bout du monde de Werner Herzog pour enfin se conclure sur l'inusable Cinnamon Girl de Neil Young.
D'autre part, une playlist consacrée aux musiques entendues dans les films de notre cinéaste libanais du mois viendrait prouver que la vision de ces films n'aura pas été seulement rêvée.

Lettre d'informations n°14 : 29/11/2015

Dans quelques jours, notre site fêtera sa première année.
 
Nous vous remercions pour vos nombreux retours encourageants et constructifs, gages qu'il nous faut continuer dans cette voie d'un partage du cinéma, l'un de nos biens communs parmi les plus précieux.
 
C'est dans cet esprit que nous vous proposons donc cette quatorzième newsletter des Nouvelles du Front cinématographique (site et page facebook), avec les interventions suivantes.

 

1) En premier lieu, dans la rubrique des "Nouvelles du front cinématographique", nous présentons la deuxième partie de notre analyse en trois parties consacrée à l'œuvre du cinéaste libanais Ghassan Salhab (partie 2). Il sera encore et toujours question de Beyrouth comme citadelle autant de fois assassinée que ressuscitée, de quelques-uns de ses survivants ou morts-vivants qui flottent dans l'intermonde spectral où persiste en fondu-enchaîné le monde d'avant et peine à s'imposer celui qui vient, mais aussi du réalisateur lui-même offrant son corps en guise de siège aux éclats d'une interrogation élargie aux forces matérielles et cosmiques dont il est entre mille autres divisions le dépositaire, y compris face à Jean-Luc Godard à l'occasion d'un bel entretien (la première partie reste évidemment toujours disponible ici).

2) Dans la catégorie des "Autres textes de cinéma", les Zombies d'un film secrètement comploté par Élisabeth Perceval et Nicolas Klotz nous auront assaillis d'énigmes à résoudre, dans la crypte de notre nuit habitée de plusieurs fantômes artistiques et historiques, comme des esprits revenus des limbes de la fin de l'histoire en quête d'incarnation - d'une réincarnation de la politique au lieu même des disjonctions nihilistes de l'idéologie.

 

3) Dans notre catégorie intitulée "La séquence du moment", il nous fallait nous rappeler La Comédie de Dieu du grand Joao Cesar Monteiro et convoquer son esprit - celui de la grande santé et du oui - afin de remédier un tant soit peu aux ravages des maladies du temps coincé dans les mâchoires des totalitarismes rivaux et mimétiques, marchand et religieux, tous fanatiques.
4) Dans la catégorie "bon plan du mois", Falstaff de Orson Welles s'est imposé à nous comme le gros nounours revenu de notre enfance, cette enfance sur laquelle il ne faut pas céder comme il ne faut pas céder sur le cinéma, l'enfance et le cinéma en ce qu'ils misent sur les puissances ludiques du faux en préférence au théâtre sérieux du pouvoir (définitivement le signe de la trahison et de la puissance et de l'enfance).  
5) Dans notre section « front social et le reste », une exposition nomade s'est à Paris installée : Metaphora de l'artiste Bruno Hadjih à la galerie Mamia Bretesche, avec des photographies qui se regardent par deux, à côté ou en vis-à-vis, afin de voir réciproquement glisser les plaques tectoniques du visage et du paysage, et retenir aussi la lumière fossile qui brille en nous pour la réverbérer en transfigurant la nuit de la désertification du monde : ces images polaires et magnétiques, elles nous regardent autant qu'on les voie, elles n'oublient pas non plus que le désastre aura nommé aussi le tout premier, la séparation native fondatrice avec l'étoile - Big Bang - d'où nous fûmes nés.
6) Enfin, notre sélection musicale mensuelle, avec son petit orgue de Bach et ses drôles de reprises (Joy Division en bossanova et Simon & Garfunkel par Mark Kozelek), les ritournelles électroniques de Richard D. James et les mélopées country et édéniques de l'ancien fumeur de Smog, Bill Callahan (l'homonyme du policier dirty).

 

En vous souhaitant à toutes et tous beaucoup, et déjà de bonnes lectures !

Lettre d'informations n°15 : 30/12/2015

L'année 2015 aura été particulièrement terrible, nous obligeantnous y sommes forcé-e-s dès lors que l'obligation se comprend ici comme une forcede continuer à travailler en persévérant dans un irrémédiable effort de pensée. Un effort qui passe entre autres mais forcément aussi par le cinéma tel qu'il nous retient, tel qu'il nous tient en nous retenantnous sommes contraint-e-s à une telle retenuede plier en cédant devant les figures brutales ou molles d'un même nihilisme contemporain (les terroristes comme idiots utiles de l'extrême-droite).

 

C'est dans la conscience vive de ce contexte que nous vous proposons nos textes en vous remerciant une nouvelle fois pour vos amicales relances, vous invitant en cette fin d'année à lire notre quinzième newsletter des Nouvelles du Front cinématographique (site et page facebook).

 

1) Tout d'abord, dans la rubrique des "Nouvelles du front cinématographique", voici le temps venu de la troisième et dernière partie de notre analyse portant sur le travail de Ghassan Salhab (partie 3). Beyrouth y représentera moins l'incontournable labyrinthe où errer en la compagnie posthume de figures sur-impressionnées par des guerres fondues-enchaînées. Le cinéaste libanais en effet, et selon un motif privilégié, tourne le dos à la capitale pour tracer stratégiquement d'essentielles tangentes qui l'autorisent à retrouver l'humeur océanique d'une enfance sénégalaise perdue, puis l'invitent à se confronter à la montagne où, du noir au blanc décisivement, se joue contre la passion du néant la tentation d'un peu d'écriture. La nébulosité des traces préférée à la pulsion de faire place nette, en attendant le bonheur d'une vallée promise en mars prochain...

2) Dans la rubrique des "Autres textes de cinéma", le nouveau film de Nurith Aviv, Poétique du cerveau, avère chez la documentariste le nouage privilégié de la durée courte (une heure) et de la densité impressionnante (le film est promis comme l'avenir à durer longtemps), multipliant les entrées dans cette Rome qu'est notre cerveau, tel un éventail miroitant. Avec le battement de ses plis et replis, respire la vitalité de toute l'œuvre pour la relancer deux fois très loin, une fois en amont (le film est une émouvante lettre morte envoyée à sa mère) et l'autre fois en aval (le film est une profonde investigation des inflexions chiasmatiques du plus beau temps qui soit, le futur antérieur, celui qui promet au passé un avenir).

 

3) Dans cette autre rubrique intitulée "La séquence du moment", le finale du Pont des Arts d'Eugène Green se sera mystérieusement imposé. Comme si le Lamento della ninfa de Claudio Monteverdi, dans les blessures fatales de l'interprétation et les relèves hasardeuses de la destination, était par-dessus des eaux létales un pont branlant mais tenant bon. Un pont tenant lieu à notre persévérance de ne pas couler sous le plomb fondu, tantôt d'explosions à mèche vive, tantôt d'implosions à mèche lente.

 

4) Dans la catégorie "champ contre champ"Star Wars, VII : The Force Awakens sera moins l'objet d'une discussion, déjà nourrie ailleurs, sur la nouvelle offensive commerciale et spectaculaire d'une industrie franchement à bout de souffle à force de sucer tout le jus de ses franchises. Le réel effort de J. J. Abrams aura consisté, outre à satisfaire le tiroir-caisse de Disney entre-temps devenu nouveau propriétaire du joujou, à offrir aussi le reste d'un point de vue sur les fondements mythologiques du space opera. Une saga dont la relance ne s'autorise que d'une réflexion des ruines laissées derrière lui (acteurs vieillis compris) par George Lucas comme d'une mise en crise d'un ordre chevaleresque peut-être enfin perçu comme le problème idéologique plutôt que sa solution héroïque.

 

5) D'autres textes demeurent toujours accessibles : Orson Welles en père Noël mal léché et Joao Cesar Monteiro en figure d'un dandysme mine de rien antifasciste, une exposition de photographies brûlées des sels de la lumière fossile originelle de Bruno Hadjih et le souvenir d'une belle représentation blanc-mesniloise du Petit Mahagonny de Brecht, d'increvables zombies chez Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval et la preuve par trois des contradictions de Victor Hugo l'écrivain tout autant que le symbole républicain.

 

On s'autorisera à proposer dans la foulée la lecture ou relecture d'une critique de La Désintégration de Philippe Faucon, film fétichisé par une partie de la critique sous couvert d'une alerte lancée il y a quelques années par la vigilance d'un réalisateur sous-estimé. Il semblerait pourtant que les questions y soient pas très bien posées, autrement dit posées de telle manière qu'elles évitent de se poser les autres (l'intégration est moins la solution républicaine à la désintégration fanatique que le problème même d'une République en ses impensés coloniaux).

 

6) Enfin, notre sélection musicale mensuelle commencera à se faufiler avec les mouvements reptiliens de Joy Division pour finir par sautiller avec la pop alerte de Vampire Weekend, tandis qu'un bon vieux John Williams de circonstance sera surveillé de près par deux bêtes sauvages, un tigre d'un côté (ce sont les feulements du samouraï RZA) et de l'autre une chienne (c'est ce trésor pirate d'un lamento trouvé dans ces îles mystérieuses chères à F. J. Ossang).

Lettre d'informations n°16 : 25/01/2016

Avec la nouvelle année 2016, à l'occasion de laquelle nous vous souhaitons nos meilleurs vœux militants et cinéphiles, nous vous invitons à découvrir les nouvelles propositions de la seizième newsletter des Nouvelles du Front cinématographique (site et page facebook).

1) En premier lieu, la rubrique des "Nouvelles du front cinématographique" nous autorisera de s'en remettre aux puissances de fulgurance et d'affection d'une comète qui aura illuminé le ciel quelquefois morne du cinéma anglais : Bill Douglas, probablement le plus grand cinéaste avec Alan Clarke d'une cinématographie souvent réduite à quelques pointures célébrées (Ken Loach, Mike Ligh, Stephen Frears). On commencera ainsi à nous intéresser à l'immense trilogie de l'enfance, celle qui, composée de My Childhood (1972), My Ain Folk (1973) et My Way Home (1978), puise dans la mémoire noire comme le charbon d'une enfance ouvrière quelques diamants bruts documentant, en excès à tout misérabilisme et naturalisme, la fin d'un monde social et le début d'une vie sauvée par l'amitié et l'art. Où l'on verra alors qu'il y a du Proust chez Bill Douglas...

2) Trouvant sa place dans la rubrique des "Autres textes de cinéma", le documentaire de Jean Boiron Lajous intitulé Terra di Nessuno compose dans la ville-carrefour de Trieste, entre quelques fantômes italiens (Italo Svevo, Umberto Saba et Franco Basaglia) et d'autres spectres davantage sociopolitiques (du souvenir de la guerre des partisans à l'actuelle récession économique européenne en passant par la condition faite aux migrants), la communauté fragile des êtres voués par les vents mauvais de l'austérité à l'inexistence sociale. Mais il s'agirait peut-être moins d'une inexistence à documenter qu'une "inexistance" à organiser afin de permettre à ceux qui comptent pour rien d'être, sinon tout, au moins ces quelques lucioles méritant la considération de celui qui les filme en répondant à leur requête implicite de dignité.

3) Depuis quelques semaines, les hommages médiatiques n'ont cessé de se multiplier concernant la disparition de plusieurs figures du monde des arts ou de la culture, tel écrivain ou réalisateur, tel chanteur ou musicien, tel producteur ou acteur, etc. Deux noms auront en particulier frappé du sceau de leur singularité nos efforts de subjectivation : David Bowie (dans "La séquence du moment") et Franco Citti (dans "Le bon plan du mois"). Alors que le premier aura su renouveler les formes de sa propre visibilité en témoignage enchanteur de notre universelle plasticité, le second aura été vu par Pier Paolo Pasolini pour être considéré et relevé comme le corps privilégié d'un sous-prolétariat méprisé cachant cependant en son sien des trésors venus d'une antiquité oubliée.

4) Dans la catégorie "Nouvelles du front social et du reste", nous proposerons la lecture critique de l'ouvrage consacré par George Didi-Huberman à la poétique godardienne : intitulé Passés cités par JLG, l'essai (le cinquième de la série L’œil de la l'histoire et le premier qui nous déçoive) souffre d'une entreprise de jugement ad hominem qui s'autorise une gymnastique laborieuse et compliquée, quelquefois moins attentive à la singularité artistique de Jean-Luc Godard qu'à une personnalité publique aux interventions politiques pour certaines supposées coupables d'univocité et d'autoritarisme. Au risque, alors, que le jugement critique prête le flanc à la critique d'un jugement lui-même autoritaire et univoque...

5) On aimerait encore profiter de cette seizième newsletter ainsi que de la ressortie, la semaine du 27 janvier prochain, de The Thing (1982) de John Carpenter comme de la distribution de l'inédit premier long-métrage d'Apichatpong Weerasethakul intitulé Mysterious Object at Noon (2000) pour soumettre une nouvelle fois à votre lecture deux textes précédemment édités. Le premier est consacré à l'un des chefs-d'œuvre de John Carpenter comme du genre de l'horreur, délire figural au principe de l'épuisement par exaspération de toute identité substantielle poussant aussi loin que possible la paranoïa propre à la révolution conservatrice d'alors et l'homo-érotisme discret du maître Howard Hawks (il paraîtrait que Quentin Tarantino court encore après le sésame). Le second concerne un autre film du grand cinéaste thaïlandais, Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures (2010), synthèse d'un art poétique inauguré avec Mysterious Object at Noon (ne serait-ce déjà que par ce quelque chose de turgescent dans le titre) conjoignant souverainement mythes populaires et mythologies pop afin de distinguer dans la jungle les yeux rouges et l'esprit persistant de quelques figures d'hier et d'aujourd'hui réprimées par l'État.

6) Notre sélection musicale mensuelle saura jouer de quelques écarts, composant son chemin buissonnier entre l'hymne populaire à la joie de la langue italienne et la folk d'un artiste tout terrain tunisien, et puis c'est un improbable ressort pop venu de Turquie qui mènera autant à la mélancolie américaine des portes du paradis ouvertes pour être aussitôt refermées qu'au sentiment de l'irrémédiable porté par l'orgue de Bach.

7) Enfin, avec la nouvelle année, s'impose le bilan de l'année passée et les films qui auront su emporter notre cœur. Où il sera question des rêves d'un peuple en guise d'adieux au pays natal par son plus grand poète en cinéma comme des rêves d'émancipation autorisant à un nom inactuel d'entrer en résonance autant en Irak retrouvé en Égypte que dans les rues de Thessalonique. Mais aussi des figures circonstanciées d'un communisme éternel et des corps d'une jeunesse recomposant celui d'un vieillard se sacrifiant pour elle. Mais également de l'actuelle richesse danoise remontée jusqu'à sa source primitive argentine et d'une puissance américaine maladivement désœuvrée car symptomatiquement déliée de toute autorité. Mais encore d'un savoir qui se double d'une sagesse et qui, Borrromini préféré au Bernin, se dit sapience et d'une enfance sur le tard relevée depuis le réel d'une catastrophe interminable et la fiction d'une image censée toute l'exprimer. Mais enfin des monstres hantant obscurément la jeunesse étasunienne contemporaine et des autres que l'on enferme derrière les murs où se jouent dans l'intervalle des larmes et des cris les gestes précieux d'une tendresse infinie.

Lettre d'informations n°17 : 28/02/2016

Que les froidures de février ne tiennent, nous vous invitons aujourd'hui à vous réchauffer du bois de nos nouvelles propositions critiques fagotées par la dix-septième newsletter des Nouvelles du Front cinématographique (site et page facebook).

 

1) Tout d'abord, la rubrique des "Nouvelles du front cinématographique" autorisera de s'en remettre une seconde fois aux forces déflagrantes d'une comète qui aura illuminé le ciel quelquefois plombé du cinéma anglais : Bill Douglas. Après l'immense trilogie de l'enfance composée de My Childhood (1972), My Ain Folk (1973) et My Way Home (1978), il sera temps désormais d'apprécier les beautés de l'unique long-métrage Comrades (1987) qui ne sont pas moins grandes, retrouvant dans le sol ingrat de l'Angleterre du début du 19ème siècle l'archive d'une solidarité ouvrière dont l'éclatant sourire demeure tant et tant nécessaire. Avant-hier à l'époque de l'accumulation primitive du capital en Grande-Bretagne ; hier sous les assauts du thatchérisme contemporain de la réalisation du film ; aujourd'hui en raison de l'actuelle entreprise de casse en France du code du travail. D'une ruine l'autre, un monde ouvrier agonisant aura été par Bill Douglas personnellement déserté, mais pour être retrouvé dans une grâce aussi originelle qu'intemporelle et qui recoupe aussi bien l'archéologie du cinéma.

 

2) Concernant ensuite la rubrique des "Autres textes de cinéma", le documentaire du réalisateur algérien Hassen Ferhani, Dans ma tête un rond-point, bénéficie aujourd'hui d'une sortie en salles qui lui permettra enfin de ne pas réserver la chair de ses tremblantes beautés aux seuls festivals qui en avaient jusqu'à présent célébré à bon droit la sensibilité. Il aura probablement fallu un courage d'Amérindien et en conséquence pas mal de ruses de sioux pour, à ce point, voir rouge en investissant - du coup après Bill Douglas - une condition ouvrière blessée par les exigences aliénantes du travail (ici en abattoir). Mais la blessure, qui est autant partagée par les ouvriers avilis par la bêtise bouchère et vorace du capital que par les animaux rendus au rang de bête, est, en vertu du regard solidaire du cinéaste, dialectisée et transfigurée en ouverture à toutes les forces, faibles et folles et insistantes, du dehors. Alors, oui, le film voit rouge mais le rouge qu'il voit n'est plus seulement celui, réel, du sang des innocents équarris ou sacrifiés. Car il est également, celui du possible : de l'amour, de la révolte et de la poésie - toutes choses secrètes et communément partagées comme un feu dont la braise réchauffe un site ouvert sur l'horizon, irréel ou utopique, d'une "terre sans maître".
 
3) Il y aura toujours des films qui tourneront en boucle en promenant dans les rues labyrinthiques d'un Paris réinventé un beau rêve de cinéma permanent. Il y aura toujours des films qui oseront pousser le bouchon de la durée pour déboucher, au risque de la scission et de la schizophrénie, sur des puissances de devenir plus fortes que toutes les limites scénaristiques, les virtualités folles de l'infini engagées depuis l'intérieur fini imposé par les contraintes de l'industrie cinématographique. Il y aura toujours des films qui n'auront pas peur de jouer avec le feu, avec des histoires complotées au jour la journée entre de balzaciens amis avec la complicité de filles nervaliennes, avec du théâtre dont les détours permettraient d'accéder en des voies obliques au mystère même du cinéma, et avec de l'amour fou, surtout, en ce qu'il consume des êtres se sachant cependant exposés à ce que leurs secrets demeurent intouchés. Il y aura toujours de tels films parce que ces films auront d'ores et déjà été faits, parmi les plus beaux du cinéma, et que Jacques Rivette en aura été le premier spectateur, lui qui aura si bien, le visage électrisé par son sourire revolver, feint d'en être l'instigateur avisé.

4) On aimerait encore profiter de cette dix-septième newsletter pour penser encore et toujours à Chantal Akerman, dont le nouveau et dernier film, No Home Movie, vient tout juste de sortir. Penser à elle dont les films pensent si fort à nous, dans l'expérience tant de fois renouvelée et relancée d'un secret hérité mortellement par une fille de sa maman - un feu brûlant mais de nulle part, un feu d'aucun lieu indiquant la direction tragique d'un chez-soi qui jamais n'existera.
5) Notre nouvelle sélection musicale saura enfin papillonner, autrement dit à la fois palpiter et errer comme le dit si bien Georges Didi-Huberman, les phalènes pouvant prendre ici la forme d'un coucou mélancolique revenu d'une enfance de Benjamin Britten ou glisser dans la voix marmoréenne et gothique d'une sœur de la miséricorde. Le volètement des imagos étant incomplet si leur manquaient les étincelles spectrales des finnois de Magyar Posse, le chœur nocturne chauffé au feu de bois de A Silver Mount Zion, ainsi que ce violoncelle dont la ritournelle s'entêtant dans nos estomacs a été imaginée par Ennio Morricone pour The Thing de John Carpenter et - bien lui en aura pris - retrouvée par Quentin Tarantino.

Lettre d'informations n°18 : 30/03/2016

Le printemps s'entête à rester frileux mais il est promis que les beaux jours reviendront. En guise de bien modeste hirondelle, voici venu le temps de la 18ème newsletter des Nouvelles du front (site et page facebook) :

1) Dans notre catégorie des "Nouvelles du front cinématographique", il s'agira de faire la part belle au genre de la comédie musicale en ses expressions canoniques - autrement dit hollywoodiennes. C'est qu'il s'agit peut-être, contres les forces obscures s'acharnant à diminuer nos puissances de sentir, de penser et d'agir, de (réapprendre à) chanter et danser. C'est qu'avec la première partie d'un diptyque consacré à la comédie musicale hollywoodienne, il s'agira entre autres de renouer avec une histoire de quelques grandes formes (du constructivisme de Busby Berkeley au colorisme pictural et onirique de Vincente Minnelli) et de quelques corps privilégiés (de l'aristocrate Fred Astaire à Gene Kelly le prolétaire en passant par Ginger Rogers puis Cyd Charisse) qui auront su extraire depuis la pesanteur nécessaire des studios quelques éclats de poétisation du quotidien comme de légèreté éternelle parmi les plus mémorables du cinéma.

2) Pour ce qui relève de notre section dite "Le plan du mois", l'impératif aura consisté à y exposer l'extraordinaire visage d'Arielle Holmes, sylphide urbaine à l’œil cyclopéen tel qu'il transperce notre regard jusqu'au cœur, Ariel de notre temps à qui le film des frères Josh et Benny Safdie, Mad Love in New York, aura permis de passer de l'autre côté du miroir de la fiction en jouant autour d'un feu terrible qui avait jusque-là brûlé plus d'une fois ses ailes.

3) "La séquence du moment" nous proposera quant à elle de faire voir et donner à entendre, depuis la séquence d'ouverture d'un remake de Nosferatu longtemps mésestimé de Werner Herzog, l'immémorial d'un cri qui dure en traversant les âges, l'inoubliable cri inaudible et pourtant déchirant des peuples disparus et dont la disparition sans fin est ce dont, intempestivement comme par destin, nous savons devoir hériter.

4) S'agissant encore de la rubrique "Autres textes de cinéma", nous voudrions discuter du dernier film de Philippe Faucon, Fatima, afin de rendre problématique le sol sur lequel, aussi fin et sensible soit-il, le film se tient, posté à l'un des bouts du triste consensus actuel dont l'autre pendant complémentaire serait représenté par Dheepan de Jacques Audiard (qui aura droit à sa propre recension critique lors d'une prochaine livraison des Nouvelles du front). Faudrait-il donc vraiment que les mères rasent les murs en étant doublement assignées à résidence (de la domination sociale ou d'une affiliation linguistique) afin de rattraper les excès de leurs enfants ne méritant seulement que le grand nettoyage perpétré par un tigre tamoul qu'il n'aurait pas fallu réveiller ?

5) Dans la rubrique "des nouvelles du front social et du reste", il nous a paru impérativement catégorique, d'autant plus au lendemain des attentats récemment perpétrés en Belgique, d'essayer de penser la série des attentats parisiens et dionysiens de janvier et novembre 2015 par le truchement de trois lectures croisées : Quelques réflexions blasphématoires. Islam et modernité de Slavoj Zizek, Le Mal vient de plus loin. Penser les tueries du 13 novembre de Alain Badiou et Capitalisme et djihadisme. Un guerre de religion de Michel Surya. Il nous faudra ici tenter de comprendre comment la tenaille mortelle du fondamentalisme de marché et du terrorisme djihadiste fomentent l'éclipse obscure d'une politique authentique et partagée de l'émancipation et de l'égalité, et comment sa difficile réactivation demeure en nos temps de détresse un viatique afin de sauter hors du rang des assassins qui se font face.

6) Danser, on l'a dit pour tenter de renouer avec un peu de légèreté. Mais il nous faut aussi de la musique, mais il nous faut enfin chanter : c'est pourquoi notre nouvelle "sélection musicale" pose d'en passer par la vibrante mélancolie de Portishead, avant d'être entortillé autour des boucles mortifères de la Danse Macabre de Camille Saint Saens via La Règle du jeu de Jean Renoir, jusqu'à ce que les nappes planantes de Tortoise, puis les embrouillaminis psychédéliques de James Dashow embrumant le film des frères Safdie, et enfin les chaloupés sénégalo-québécois de Bran Van 3000 réussissent à requinquer pour la journée et même celle(s) d'après.

Lettre d'informations n°19 : 28/04/2016

Face aux froidures persistantes d'un mois d'avril en signe de printemps tardif, s'offrira, chaleureusement, notre 19ème newsletter (site et facebook).

Dans la catégorie des nouvelles du front cinématographique, nous proposons de continuer nos variations autour du musical en demandant cette fois-ci à l'un de ses chefs-d'œuvre emblématiques, Bandwagon - Tous en scène de Vincente Minnelli, comment la technique accomplie des danseurs (Fred Astaire et Cyd Charisse), loin de se suffire à elle seule, peut soutenir l'incarnation d'un geste de plasticien coloriste ayant la préoccupation de problématiser et d'excéder les formes hollywoodiennes, tiraillées alors entre l'injonction incontournable au divertissement populaire, le piège de l'annexion culturelle et le désir de l'art malgré tout.

Dans notre catégorie des autres textes consacrés au cinéma, c'est une passe de quatre petits essais qui sera proposée, investissant quelques propositions aussi hétérogènes qu'elles manifestent en ses expressions éparses un divers propre au cinéma.

L'on verra par exemple comment Jean-Louis Comolli, en compagnie de fidèles complices (le journaliste Michel Samson et l'opérateur Jean-Louis Porte), tous participants avec Marseille entre deux tours d'un intellectuel collectif et pratique, indique en guise de conclusion ouverte à un quart de siècle d'enquêtes documentaires sur la vie politique locale marseillaise que la vraie vie, peut-être, est ailleurs - par exemple dans les champs de réinvention d'une ville à vivre essayée, au risque d'une croyance cependant problématique de voir dans la culture un salutaire substitut aux désappointements militants.

En défi à toutes les lois et chronologies, on verra aussi Manoel de Oliveira imposer un an après sa disparition une actualité drôlement revenue de 1982, quand alors il imaginait avec sa Visite différée d'une maison sur le point d'être abandonnée l'occasion, certes posthume mais non testamentaire, de dire de quel bois multiséculaire il est fait comme de demander au spectateur d'aujourd'hui de le regarder avec un futur ignoré de lui.

On verra encore comment la disparition soudaine de l'actrice et réalisatrice Ronit Elkabetz fait surgir la figure d'une fée Viviane d'aujourd'hui, ténébreuse sorcière du cinéma contemporain (israélien mais pas que) au sens où, contre tous les procès instruits à l'encontre des femmes remuant dans les brancards de l'hétéronomie, elle aurait été détentrice de quelques beaux tours de magie grise appris dans une drôle de forêt de Brocéliande, judéo-arabe.

On verra enfin comment les belles promesses comme des cerises ramassées dans les premiers courts-métrages de Sarah Hatem proposent d'inventer, à l'endroit où la massivité architecturale s'expose en imposant la fragilité de ses défauts, des jeux d'enfance pour l'enfant que la jeune adulte n'est plus - autrement dit des manières d'être poétiques, des écritures cryptiques, des danses impromptues et des musiques pour une légèreté reconquise, relevée en défi à toutes les inerties.

Enfin, notre sélection musicale fera la part belle aux croisements des hétérogènes, les imprécisions entre foirade et expérimentation des Shaggs se cognant aux tronçonnages de métal massif de Rammstein pour Lars von Trier, tandis qu'une transe mi-africaine mi-celtique revenue de Gangs of New York s'enroule dans les boucles de pop éthéré de Beach House et les déliés post-rock de Broken Social Scene.

Lettre d'informations n°20 : 31/05/2016

En ces jours contrastés où le temps est certes pourri mais la météo sociale chaudement favorable à la contestation populaire d'un gouvernement s'échinant à vouloir bloquer et diminuer la puissance d'agir du salariat, se faufilera la (déjà !) 20ème newsletter des nouvelles du front (site et facebook).

Dans la catégorie des Nouvelles du front cinématographique : après avoir proposé un voyage en deux stations à travers une brève histoire du musical hollywoodien, les Philippines se seront imposé à nous grâce à la découverte d'importance de quelques films de Lav Diaz. C'est, avant un texte consacré à Norte - La fin de l'histoire, le chant de la terre meurtrie résonnant depuis les neuf heures hypnotiques de Death in the Land of Encantos afin de faire parvenir les tremblements volcaniques d'une histoire plusieurs fois tourmentée ayant plissé dans le lit tectonique des plans d'inédites profondeurs de champ et de temps.

Dans notre catégorie des autres textes consacrés au cinéma, nous vous proposons deux textes aussi différents concernant leurs objets que complémentaires en ce qu'ils font la critique des formes cinématographiques préoccupées des fronts de la guerre civile mondiale disséminés le long de la ligne de fracture partagée par le Proche-Orient et l'Asie centrale.

D'un côté, avec L'Afghanistan, raté deux fois, nous proposerons de discuter de la manière dont la question de la présence militaire française en Afghanistan est redéployée par deux fictions caractéristiques des hésitations du jeune cinéma français contemporain (Maryland d'Alice Winocour et Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore) qui, s'ils ambitionnent d'inscrire la question dans une approche intellectuelle ou conceptuelle du cinéma de genre, en tirent des conséquences inégales et quelquefois inconséquentes politiquement.

De l'autre, nous verrons avec Searching for Hassan de Édouard Beau que d'autres dispositifs cinématographiques, certes moins médiatisés mais autrement plus risqués aussi, sont possibles dès lors que l'immersion documentaire au sein d'une unité kurde de l'armée irakienne sait à la fois restituer l'expérience vécue d'une pratique de l'ordre ambivalente et la phénoménologie d'une journée caractéristique de l'état d'exception devenu la règle de la région.

En guise de raccord, notre bon plan du mois se focalisera sur d'autres films de ce même cinéaste-photographe découvert au Festival Hors Piste au Centre Beaubourg. Par exemple ce beau diptyque constitué des courts-métrages Archéologies et Mémoires d'empires, puissantes images dialectiques faisant voir dans Wall Street le signe clivé d'une puissance (économique) et d'une impuissance (sociale) et dans Mossoul depuis prise par Daech le souvenir fossile persévérant à travers les millénaires de Ninive, empire qui se savait à la fois mortel et immortel.

A l'occasion de l'actuelle grande rétrospective intégrale consacrée aux film de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, nous consacrons notre séquence du moment au récent court A propos de Venise, petite bombe qui amorce la permanence (via la figure de Maurice Barrès) du discours réactionnaire et décliniste pour le faire exploser à grand coup d'accords joyeusement anarchiques et éoliens, retentis de l'immortel Bach-film pour entrer aujourd'hui en court-circuit avec la grande colère sociale actuelle.

En attendant également le festival Côté court de Pantin du 15 au 25 juin prochains, on remettra avec joie les yeux dans les films de Yassine Qnia (Fais croquer, Molii et F430) et Soufiane Adel (Vincent V. et Go Forth), les films des deux gaillards y étant sélectionnés.

Enfin, notre sélection musicale témoignera de quelques beaux accents :
- mélancoliques chez Swell et Elliot Smith avec leurs morceaux respectifs Oh My My et Angels ;
- mélangés entre celtique et Afrique avec le Bagad Men Ha Tan dont le titre Rohan est utilisé à la fin du sublime The Assassin de Hou Hsiao Hsien ;
- nostalgiques avec une musique soul entendue dans la série télévisée Lost : Dharma Lady des peut-être fictifs Geronimo Jackson ;

- saccadés avec le groupe Why ? et leur morceau entre pop et hip-hop Jonathan's Hope.