Autres textes de cinéma de 111 à 120

 

Nurith Aviv persiste et signe. Persister, c'est marquer une insistance à travers les films, dont le corpus s'élève désormais à la treizième puissance avec Signer, prolongement d'une participation aux côtés de la comédienne Emmanuelle Laborit à l'exposition conçue en mars 2017 par Barbara Cassin au MuCEM et intitulée Après Babel, traduire.

 

 

La Bataille d'Alger, un film dans l'Histoire s'inscrit dans la veine délibérément didactique de son auteur, celle qui inclut, entre autres, Territoire(s) en 1996, Boudiaf, un espoir assassiné (1999), Algérie(s) en 2003 et Guerres secrètes du FLN en France (2010). Proposer ce terme de didactique imposera cependant de ne pas le confondre avec le synonyme présupposé de pédagogique.

 

 

Un père se dit à lui-même, alors que son jeune garçon parle sa langue maternelle, leur langue natale, qu'il a peur. Et que cette peur enroulée comme un serpent autour de la langue natale ou maternelle remonte à loin dans le temps, quand lui-même enfant alors âgé de cinq ans fuyait avec ses parents dans le train qui les arrachait en 1983 à la terreur puis l'horreur.

 

 

Après La Loi du marché (2015), En guerre enfonce le clou d'un auteur tête de pioche : le full frontal du rapport de classe est une nouvelle fois l'objet contrarié d'une commisération aussi problématique que n'importe quelle charité.

 

 

Jouir par la parole (la jactance). Il s'agit déjà de noter qu'avec A genoux les gars l'auteur s'ingénie à persister et signer dans l'enthousiasmante foulée de Haramiste (2014) : la matière privilégiée demeure toujours le verbe tenu haut et fort au risque de l'exténuant, le verbe mélangé (comme on parle de mélange pour mobylette) qui appartient à la jeunesse abstraitement identifiée aux banlieues ou bien plus précisément rapportée aux quartiers populaires socialement ségrégués.

 

 

L'une des grandes inventions cinématographiques aura consisté, au moment décisif où le cinéma devint parlant ou plutôt au moment où il cessa d'être sourd, à délier les voix des corps pour leur ouvrir des espaces de déploiement littéralement inouï.

 

 

Lorsque Nassim revient voir sa famille qui habite toujours à Bollène, cette commune du Vaucluse dans le sud-est du pays dirigée depuis dix ans par l'extrême-droite et la Ligue du Sud, l'idiome qu'il emploie n'est ni la langue maternelle (sa mère est d'origine marocaine) ni le français (cette langue que sa mère parle d'autant moins que personne n'est missionné par l'autorité territoriale pour le lui apprendre) mais l'anglais – précisément le « globish » employé par ceux qui comme lui ont décidé d'émigrer pour partir travailler aux Émirats arabes unis.

 

 

Claude Lanzmann aura été un homme d'engagements et ses prises de position, pour être jugées, doivent être discutées. Parmi les meilleures d'entre elles, il y a des films décisifs, Shoah (1985), Un vivant qui passe (1997), Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures (2001), qui composent depuis le vide creusé dans l'espèce humaine par le nazisme moins le monument officiel aux victimes qu'un « monumanque » au sens fort d'un terme proposé par Jacques Derrida à l'époque de Glas (1975).

 

 

Au tournant des années 1960 et 1970, Dennis Hopper est de tous les jeunes réalisateurs lancés à l'assaut du vieil Hollywood celui qui aurait accompli dans le temps le plus court et en deux films seulement le trajet le plus exemplaire peut-être.

 

 

Au loin, un paysage austère et montagneux, à la fois pigmenté des phares rouges de la police et balayé d'un floconnement de neige maigre, oblige le tracé de la route et les voitures qui l'empruntent à des torsions rien moins que serpentines. Le vacarme des sirènes, les coups rudes de volants ainsi que les vitres brouillées accentuent avec la tombée d'un jour blême une sensation de malaise, d'urgence et de chaos.