METAPHORA

une exposition des photographies de Bruno Hadjih

L'exposition Metaphora est proposée par la galerie Mamia Bretesche, du 14 novembre au 18 décembre 2015. Pour voir un aperçu de l'exposition, allez sur le site de la galerie Mamia Bretesche.

 

 

Bruno Hadjih est un photographe d'origine kabyle né en Algérie. Son travail photographique l'amène à parcourir le monde pour mieux capter la singularité de ses intensités : depuis vingt ans, de nombreuses expositions attestent l'importance de son regard. Il est aussi avec Aziz Chouaki l'auteur de Avoir vingt ans à Alger et a également participé à la conception du film At(h)ome d'Élisabeth Leuvrey.

« Pas plus qu’un poème ne s’adresse au lecteur, aucun tableau ne s’adresse au spectateur, et aucune symphonie ne s’adresse à l’auditoire ». Comme le dit Walter Benjamin, une œuvre ne tient aucun discours, sinon celui qu’elle tient aux autres œuvres, et qui ne se déploie pas dans le domaine du langage. Celui de l’engagement.


 

D’un astre l’autre

 

 – Des astres

 

Pas une photographie, mais deux. Dans chaque série, elles sont associées l’une avec l’autre. Deux photographies se répondent. Si chaque photographie prise pour elle-même aimante le regard par la sensibilité qui la singularise, leur mise en relation sidère la pensée.

 

Tout se passe comme si les deux photographies constituaient ensemble des pôles attractifs desquels émergerait un champ magnétique. Des ondes circulent alors d’un axe à l’autre, qui font glisser une puissance géologique dans un visage et, dans une puissance épidermique, un paysage.

 

Aimantation : le regard est magnétisé par la lumière de ces formes de vie, organiques et inorganiques, minérales et animales, humaines et matérielles, qui semblent transpercer la nuit profonde d’où elles émergent. Sidération : la pensée est alors appelée à considérer des secousses sismiques qui, sans cette polarisation des images, seraient imperceptibles.

 

Bruno Hadjih est un magnétiseur qui fait œuvre de sismologue. Non seulement il est attentif à restituer la lumière astrale qui habite les êtres et les choses. Mais son attention est également soutenue par le souci de rendre manifeste le fond obscur – comme une troisième image, subliminale et nucléique – d’où ces formes émergent, pour peut-être y retourner.

 

Désastres

 

C’est alors que, telles des plaques tectoniques séparées par une ligne de faille, les photographies s’appréhendent sous une lumière inédite. En s’éloignant l’une de l’autre, elles creusent des gouffres sismiques tandis que, en se rapprochant, elles entrent en collision et provoquent un cataclysme.

 

Il faut voir la puissance astrale qui électrise la profondeur des images et restitue au regard comme à la pensée la nuit immémoriale d’un désastre fondateur ou d’une puissance originelle. Mais il faudrait aussi considérer la nuit appartenant à un désastre en cours en face duquel la tâche urgente d’une nouvelle cosmologie serait à l’ordre du jour.

 

Un désert croît, brûlant : moins celui du désert que celui de la désertification. Le photographe en fixe au présent les cristaux d’intensité photographiques, un œil tourné vers l’écho venu du plus lointain passé, un autre en direction des ondes arrivant d’un possible avenir.

 

- D’un astre l’autre

 

L’extrême acuité du regard photographique confirme la persistance magnétique de la lumière fossile depuis sa séparation d’avec l’étoile originelle. Mais l’extrême sens visionnaire et sismologique du photographe perçoit aussi le nucléus de la catastrophe qui risque de venir, au terme de laquelle les formes de vie d’aujourd’hui pourraient être aspirées par la désertification. Il donne enfin et surtout à voir les lignes de fuite à suivre pour ne pas précipiter le séisme.

 

À équidistance d’un désastre natif et d’une possible catastrophe terminale, Bruno Hadjih n’a pas d’autre visée alors, s’il veut transfigurer la nuit profonde de notre présent aveugle, que celle de la lucidité consistant, comme le souligne Walter Benjamin, à « organiser le pessimisme ».

 

14 novembre 2015


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