Contre-réforme de la sécu : un remède pire que le mal !

Le remède néolibéral : l’agonie à petit feu !

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Le projet de loi de financement de la sécurité sociale, discuté à la caisse nationale d’assurance maladie le 27 septembre dernier, n’échappe pas aux pressions financières du pacte Euro plus et de la « règle d’or » visant à constitutionnaliser le piège de la dette. Le gouvernement Fillon l’affirme sans ambages, en avouant que ce projet de loi s’inscrit pleinement dans son « programme de stabilité 2011-2014 prévoit le retour à un déficit public de 3 % en 2013 ». En gros, la diminution programmée des dépenses sociales doit servir à désendetter l’Etat.

 

S’il est évident qu’une baisse des salaires, et davantage encore une diminution de la part socialisée du salaire, pèsera sur le rôle de protection sociale que revêt la sécurité sociale en regard de la crise économique actuelle, l’idée avancée d’une taxation des mutuelles et autres complémentaires de santé n’aura pas d’autre conséquence que de peser sur les ménages et la consommation, accélérant ainsi la pente actuelle de la récession (l'idée de taxer les parcs d'attraction a été avancée, puis retirée pour "raison sociale" : on croit rêver !). Passant de 3.5 % à 7 % afin de dégager 1.1 milliard d'euros, la surimposition des complémentaires de santé va entraîner mécaniquement une hausse des coûts des mutuelles qui va frapper les salariés, déjà victimes des blocages des salaires et du déremboursement des médicaments. Une autre proposition, celle de taxer l’intéressement, la participation et l’épargne salariale (à hauteur de 6 à 8 %), ainsi que la suppression de l’abattement de la contribution sociale généralisée (CSG), vise à nouveau à taper dans les revenus des salariés, alors que le taux de cotisations sociales dites « patronales » n’a, s’agissant du financement des retraites, pas bougé depuis 1979 ! Si l’UD CGT 93 a par exemple raison de dire que « ces dispositifs constituent un élément de rémunération » (BIMI, n°788 du 22 octobre, p. 5), elle a tout aussi raison de demander à ce que ces mêmes dispositifs soient « soumis à cotisation sociale de manière à générer des droits pour les assurés sociaux, notamment sur les indemnités journalières, accident de travail et retraites » (idem). Peut-être même faudrait-il être plus clair, autrement dit être plus radical. En finir avec toutes les formes d’épargne salariale, de participation ou d’intéressement valorisées par le modèle gaulliste du capitalisme corporatif aujourd’hui vanté par Arnaud Montebourg (censé représenter la gauche du PS !), c’est privilégier le salaire dont la part socialisée assure à la classe des salariés à la fois une solidarité réelle. Le salaire socialisé représente également l’assurance de disposer d’un revenu collectif pesant plus fort dans le partage toujours plus inégal des richesses en faveur du capital (qui s’est engraissé de 10 points de PIB depuis 30 ans : soit 200 milliards d’euros qui manquent pour nos salaires, nos retraites et notre protection sociale).

 

La modification de l’assiette de la CSG proposée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale va évidemment frapper davantage les salariés dont les revenus vont continuer à relativement baisser. On sait que les revenus d’activité (essentiellement salariaux) représentent 70 % de la CSG quand la part dévolu aux revenus du capital s’élève à peine à 10 % ! Le gel du point d’indice du traitement des fonctionnaires d’un côté, et de l’autre l’augmentation continuelle des prix à la consommation fabriquent conjointement une diminution relative de nos salaires, comme on ne l’avait jamais connu depuis la seconde guerre mondiale ! L’objectif fixé à hauteur de 2.8 % s’agissant des dépenses de l’assurance-maladie va forcément entraîner la réduction des capacités de nos services publics. Ce faisant, certaines administrations publiques, serrées par les tours de vis de la RGPP, vont devoir contracter des prêts à taux d’intérêt variable sur les marchés financiers afin de pouvoir financer leur fonctionnement. Au risque d’un endettement insoutenable sur lequel spéculeront banques, fonds de pension et autres assurances privées, comme cela est aujourd’hui le cas pour les dettes souveraines de la Grèce, de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie et de l’Irlande.

 

Si diminuer les prix des produits de santé semble d’autant plus aller de soi en regard des dividendes exorbitants versés à l’actionnariat de l’industrie pharmaceutique, accroître le champ des déremboursements des médicaments au nom de la baisse du déficit de la sécurité sociale, c’est à nouveau considérer les raisons de ce déficit à partir d’un accroissement des dépenses alors qu’il faudrait commencer à envisager sérieusement les choses à partir de la réalité de la diminution systématique des recettes. C’est cette diminution, déterminée par le coup élevé des niches fiscales et par l’exonération des cotisations sociales pratiquée depuis vingt ans (30 milliards d’euros par an, la plupart du temps compensés par nos impôts : pour 2011, on notera un manque à gagner de 3 milliards d’euros), qui explique aussi le non-remplacement d’un fonctionnaire partant en retraite sur deux. On ne voit pas non plus en quoi la remise en cause de la convention collective nationale des agents travaillant pour l’assurance-maladie va arranger un problème causé par un partage inégal des richesses produites, sur lequel le patronat ne veut pas transiger, et qui arrange bien les affaires des assurances privées dont le seul fantasme est de se substituer (pour ceux qui peuvent raquer) à la protection sociale. On attend encore les dispositions réglementaires qui encadreraient les illégitimes dépassements d’honoraires de la médecine libérale. Et on souhaiterait enfin que la révision du mode de calcul des indemnités journalières (sur la base de 60 % du salaire net au lieu de 50 % du salaire brut), induisant automatiquement une baisse des indemnités journalières pour les salariés (surtout ceux des entreprises échappant à des accords de mensualisation), soit compris des salariés et de leurs syndicats comme la continuation par d’autres moyens d’une politique belliqueuse envers le salaire, et particulièrement le salaire socialisé. Censé rapporter 220 millions d’euros, ce dispositif induit un manque à gagner concernant les dépenses de santé de 40 euros pour les smicards et de 85 euros pour les cadres.

 

Et cette attaque n’a, au-delà d’intérêts strictement comptables, comme fondement idéologique que l’évidence nue de la lutte des classes ! Que l’on songe également à l’instauration, au nom de la « réforme de la carte judiciaire », d’un timbre fiscal à 35 euros pour toutes instances introduites devant les juridictions civiles et sociales, administratives et prud’homales (y compris en référé). La volonté gouvernementale de remettre en cause la gratuité de la procédure et de l’accès au juge (ce qui est d’ailleurs contraire à l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme), comme de réduire en particulier les contentieux liés au travail alors que les préjudices sont de la responsabilité de l’employeur, manifeste ultimement que le souci de l’intérêt général n’est que le masque vertueux pour l’entretien de quelques intérêts particuliers et bien compris par leurs bénéficiaires. Autrement dit les représentants du capital.

 

Dernière minute : le 28 octobre, les députés ont adopté à la majorité un amendement de Roselyne Bachelot demandant à ce que la revalorisation des prestations familiales (allocation familiales, logement, rentrée scolaire, accueil du jeune enfant, congé parental) soit repoussée du 01 janvier (date traditionnelle) au 01 avril prochain, en lieu et place du refus d'adopter l'amendement consistant à assujettir à la CSG le congé parental. L'économie de 130 millions d'euros se fait au détriment des salariés, encore une fois. Tout est décidément bon pour larder de coups de couteau ces cochons de salariés qui paient une facture salée pour un crédit (d'Etat) jamais demandé !



Payer plus pour moins de soins : il est évident que cette logique régressive est à l’œuvre dans toutes les contre-réformes néolibérales actuelles ! Surtout, moins de salaire, c’est moins de protection sociale, c’est un salariat fragilisé, ce sont donc des salariés moins forts pour résister et contre-attaquer face à la violence du capital !

 

01 novembre 2011


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