La Poste : un marché lucratif pour les capitalistes, un service public sans état pour Alternative Libertaire

1/ La situation actuelle de la Poste

Issue des PTT, l'entreprise La Poste est le résultat d'une longue histoire. Un des tournants marquants de celle-ci, du point de vue de l'organisation, date du 10 mai 1946, fruit du compromis de 1945 et des exigences sociales du Conseil National de la Résistance.

 

La poste française (La Poste est, depuis 1991, un « établissement public national doté d'un comptable public »), avec ses filiales, constitue le deuxième groupe postal européen après la Deutsche Post, la poste allemande privatisée. 289 100 salarié-e-s y travaillent.

 

A partir du 1er janvier 2006, La Poste propose des services financiers (crédits, notamment immobiliers - les crédits à la consommation ne sont pas pour le moment autorisés) par l'intermédiaire de sa filiale, La Banque postale, créée à cet effet. Depuis cette date et quelques directives européennes, la Poste a perdu le monopole de l'acheminement qu'elle avait sur les lettres de plus de 50 grammes ouvert à la concurrence depuis de cette date.

 

La Poste, ce sont donc :

  • Outre la Banque postale (regroupement de la Direction des Services financiers et de la holding Efiposte) ;
  • la Direction du Courrier, qui s'appuie sur une holding Sofipost qui regroupe un ensemble de filiales (ORSID, Aspheria, Certinomis, Dynapost, Maileva, Mediapost, STP, Brokers Worldwide, Europe Airpost, etc.) ;
  • Coliposte, qui s'appuie sur une holding Geopost qui regroupe un ensemble de filiales (Chronopost, Exapaq, InterLink, MasterLink, Parceline, DPD) ;
  • le réseau des bureaux de Poste (17,000 points de contact) qui est piloté par l'Enseigne La Poste.

Ces quatre activités sont appuyées en interne par une structure transverse Groupe organisée autour de directions Corporate et Immobilier, cette dernière s'appuyant sur la filiale Poste Immo qui gère l'ensemble des immeubles de La Poste.

  • Les chiffres de 2007 : dette, 5 milliards d'euros ; résultat net d'exploitation : 943 millions d'euros.

Fin 2006, le gouvernement a exigé de La Poste une contribution exceptionnelle de 2 milliards d'euros, prétendument pour participer au financement des retraites des postiers. Tout le monde savait qu'il s'agissait de boucler le budget de l’État. La Poste a dû emprunter la somme de 1,8 milliard qui vient directement gonfler la dette, et les intérêts ont coûté 100 millions d'euros en 2007. Pour cette même année, l’État a encore ponctionné 141 millions. Pour la seule année 2007, l’État aura donc laissé à La Poste une ardoise de 1 milliard ! Et, pour 2006 et 2007, l'ardoise s'élève à 3,8 milliards, soit les 2 tiers de la dette !

 

Bref, la Poste, outre ses missions de service public que nous défendons, est déjà un acteur important de l'économie capitaliste, en France comme en dehors des frontières hexagonales.

2/ Que signifie la privatisation de la Poste ?

D'une part, les partisans de la mise en concurrence ou de la privatisation prétendent que le transport des colis et plis express, ainsi que les services financiers, seraient proposés à moindre coût pour une qualité meilleure en sortant des attributions de l'État et en se mettant au diapason de la mondialisation du capital, mais surtout que cela correspondrait à une violation inutile de liberté que d'imposer un service postal unique.

 

Or ce que AL dit, en accord avec les syndicats les plus revendicatifs, c'est qu'une mise en concurrence ou une privatisation pourraient au contraire générer une augmentation du prix des produits de la Poste, une dégradation de la qualité de ces derniers et des charrettes de licenciements. Ce serait aussi la disparition de la péréquation tarifaire qui mènerait à la fermeture des bureaux de poste non rentables, notamment dans les zones rurales, les zones populaires urbaines ou les quartiers à la population vieillissante.

 

Point idéologique important. Les libéraux insistent, contre le monopole étatique, sur la liberté de choisir son opérateur postal dans un paysage forcément concurrentiel toujours synonyme d'abaissement des coûts du travail (les salaires) au nom de la rentabilité (c'est-à-dire de l'augmentation du coût du capital - les profits). La rentabilité, c'est-à-dire la domination de la logique capitalistique des profits sur toute autre considération, ce sont encore l'augmentation du taux d'exploitation par la destruction de postes de travail compensée par le surtravail de ceux qui restent, l'abaissement corrélatif des conditions de travail, la casse d'un statut salarial protecteur et la chasse aux syndicalistes qui contestent. Nous mettons quant à nous l'accent prioritairement sur l'égalité des services proposés et la solidarité sociale assurant cette égalité au nom d'une vision politique selon laquelle les riches n'auront plus à décider contre le reste de la société. L'égalité et la solidarité sont ces deux notions qui neutralisent toute velléité de domination des plus forts sur les plus faibles, et que la liberté conditionnée par la mise en concurrence et la marchandisation totale des services postaux rend caduques.

 

La liberté, si c'est pour dominer et écraser les autres,

 

cette liberté-là, on n'en veut pas.

 

Il faut bien sûr se souvenir, comme pour le rail anglais, des exemples désastreux de l'expérience anglaise de privatisation de la Royal Mail, ainsi que celle de la poste suédoise (30 000 postes supprimés, soit la moitié de l'effectif total). Ouvrir le capital pour financer des achats à l'étranger notamment n'est pas une idée nouvelle. C'était déjà l'argument avancé pour justifier le changement de statut de France Télécom en 1996. Le résultat en a été brillant avec 70 milliards d'euros de dettes en 2001.

 

C'est pourquoi AL revendique urgemment : l'arrêt du processus de privatisation de la Poste (et si un référendum national est nécessaire pour interrompre ce processus, nous ferons campagne en faveur du refus de l'ouverture du capital, prélude structurel à la privatisation); une réorientation sociale de ses politiques économiques en direction du maintien et de la relance là où c'est nécessaire d'un service public efficace au nom de l'intérêt des usagers ; un plan salarial de suppression de tous les contrats précaires par leur transformation en CDI, ainsi qu'une augmentation immédiate de tous les bas salaires à hauteur minimale du salaire médian (1550 euros). Et c'est pourquoi AL participe au Comité National de Défense du service public postal opposé à l'ouverture du capital, et présentement à sa déclinaison départementale.

3/ Nos actions en Seine-Saint-Denis

25 novembre 2008 : réunion comité départemental. Nous sommes peu nombreux et présent-e-s pour décréter l'élargissement de la poursuite de la lutte (le conseil général n'a même pas de représentant à la réunion et peut-être n'y en avait-il pas à la manifestation nationale du 22, et aucun représentant des partis de la gauche classiques, ni PS ni PC pourtant membres du comité national, même pas LO). La manif : malgré les honnêtes cortèges CGT et Sud-PTT (1000 personnes chacun), très peu d'usagers présents. Les éléments qui démobilisent : les annonces contradictoires du pouvoir par la bouche de Henri Guaino sur le report de la privatisation à cause de la crise économique. Pourtant on ne peut ignorer les processus de capitalisation en cours, s'agissant de la spéculation immobilière comme à Saint-Denis ou de l'acquisition de titres financiers divers. D'autre part c'est la prégnance du calendrier électoral pour les forces syndicales engagées dans les élections prud'homales et professionnelles. Bilan actions de la matinée du 22/11 : signatures de la pétition à la poste Bobigny ; 500 tracts sur 2 points à Pantin (surtout NPA et Alternatifs) ; Saint-Denis, 5000 tracts distribués sur au moins 3 points différents ; plusieurs diff' de milliers de tracts à Montreuil. La question des perspectives : expectative à cause des conclusions reportées de la commission gouvernementale planchant sur la privatisation. Sur le plan départemental, et en fonction des forces dont nous disposons, nous avons 2 comités locaux actifs (Montreuil et Saint-Denis) + 2 villes où on peut faire quelque chose (Pantin et Bondy).

 

Samedi 13 décembre : diffusion d'un tract et signature de la pétition nationale devant le bureau de poste principal de Bondy. Présents: SUD Poste, CFTC, AL 93, Bondy Autrement, Communistes unitaires, PS. Il faut savoir que lors du dernier conseil municipal à Bondy, un vœu contre la privatisation de la Poste a été adopté. Il était soumis par les Verts, soutenu par PS et PCF. Ni les Verts, ni le PS, ni le PCF ne viennent aux réunions du comité départemental (Bondy autrement s'est fait une joie de pointer la contradiction). Tout le monde, et particulièrement les Communistes Unitaires, est OK pour essayer de monter un comité local sur Bondy.

 

lundi 19 janvier 2009 : réunion du comité 93. Constat : si les municipalités peuvent voter des voeux contre la privatisation (Bondy), les élus ne se mobilisent presque jamais pour le comité départemental. Les partis politiques sont signataires nationalement, mais pas présents localement (sauf le NPA sur le 93). Pareillement, si le comité local de Montreuil est le plus développé du département (30 personnes actives : 3 fois plus qu'au niveau départemental ! ; prochaine réunion publique de ce comité : jeudi 12 mars prochain), il a tendance à se replier sur ses propres initiatives et ne travaille pas vraiment avec le comité départemental qui souffre donc de ces deux défections. Un meeting départemental reste toujours une idée intéressante, seulement si les syndicats sont capables de faire venir au moins 100 personnes, ce qui aujourd'hui ne paraît pas devoir être le cas. Sur le plan politique, le référendum d'initiative locale ou populaire semblerait apparaître comme un des rares outils utilisables pour exercer une pression auprès des élus (une commune rurale en aurait fait tenir un, et c'est le non à la privatisation qui a gagné). La chose a été évoquée par un conseiller municipal Vert de Montreuil lors d'une réunion publique animée par le comité local (un camarade de Montreuil est venu nous en parler). Si cette grosse municipalité faisait tenir un référendum de ce type (même articulé dans un souci électoraliste avec les prochaines échéances européennes), on imagine que les autres communes seraient politiquement intéressées à suivre cet exemple qui ainsi pourrait faire boule de neige.

 

Initiative du jeudi 29/01 impulsée par l'intersyndicale 93 Poste (SUD-CGT-CFDT-FO-CFTC) et couplée à l'appel interpro et intersyndical national : à partir de 10 heures à la Poste principale d'Aubervilliers (2 avenue de la République), diff' d'un tract + signature de la pétition nationale + spectacle de rue de France Kadah-Theys.

4/ Aller plus loin : un service public postal sans état

Mais nous disons aussi que cela n'est pas encore suffisant. A force d'opposer Etat et marché, on pourrait croire que le premier est une protection envers les assauts du second. Et ainsi on oublie que l'Etat, grand acteur du capitalisme, est ici l'agent qui entreprend de vendre au secteur privé un service public très populaire. Comme d'ailleurs il n'a pas cessé de le faire depuis plus de vingt ans. Gouvernements de gauche et de droite se sont ainsi succédés pour vendre les « bijoux de famille » afin de compenser les allègements de cotisations sociales, les cadeaux fiscaux et le refus de l'augmentation des impôts des plus riches, sous le prétexte fallacieux qu'ils sont le moteur de la croissance économique.

 

L'Etat est le premier capitaliste, et même Engels le reconnaissait aisément. Alors des communistes libertaires ! La notion de service public nous paraît importante au sens où elle indique un mouvement de socialisation des richesses qui en puissance peuvent être réparties pour l'intérêt de tous. Soyons conséquent et allons jusqu'au bout de ce mouvement. Parce que l'Etat représente une concentration massive de pouvoirs dont les détenteurs sont toujours issus des classes dominantes, reproduisant ainsi les clivages de classe. Parce que l'Etat est cette formidable machine de perpétuation d'un capitalisme toujours plus menaçant pour l'humanité et la planète (on l'a vu ces derniers temps avec l'injection de plusieurs centaines de milliards d'euros aux banques décrétées aux niveaux national et européen). Parce qu'enfin l'Etat représente un outil de domination qui substitue de plus au plus le pénal au social, il ne peut donc pas nous servir. Au contraire.

 

C'est pourquoi nous revendiquons un service public assuré par la société elle-même et non par une instance supérieure incontrôlable qui la domine, sur la base organisationnelle d'une administration réellement paritaire contrôlée par des représentants démocratiquement mandatés à la fois des usagers et des salariés de la Poste. La démocratie doit être d'une part salariale : ce sont aux travailleurs de contrôler leur outil de production sur la base d'une propriété collective reconnue pour tous sans restriction. La démocratie doit être d'autre part populaire, au sens où les usagers de la Poste doivent pouvoir faire entendre leur voix quant aux orientations à prendre pour le meilleur fonctionnement social des services postaux. La démocratie sera enfin directe, puisque désindexée de l'appareil étatique et du système parlementaire qui fige la représentativité en participant à la reproduction des rapports de classe, et cela au nom de la professionnalisation élitiste de la politique synonyme d'exclusion de la majorité de la population.

 

Vouloir s'approprier la Poste contre les logiques du marché et la mainmise étatique, c'est commencer à s'approprier une certaine idée de la démocratie, directe, égalitaire et libertaire, au nom de laquelle les classes laborieuses et populaires se politiseraient en devenant enfin maîtresses d'un jeu qui trop souvent leur échappe.

 

Mercredi 11 février 2009


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