La une du Point, le degré zéro pointé de l'idéologie

L'exhibition obscène de l'idéologie :

 

 

l'exemple de la une du Point du 2 juin 2016

 

 

 

Non seulement la une du magazine Le Point, à l'instar de tant d'autres bien sûr, est exemplaire du manche du côté duquel penche un titre de presse dont le milliardaire Pinault est l'avisé propriétaire, mais cette une-là en particulier est symptomatique de la peur qui semblerait commencer à gagner la classe dominante, actuellement contestée dans sa domination par des franges larges de dominés qui paraissent de moins en moins se satisfaire de l'être et de le rester.

 

 

 

Soit une bonne grosse barre tonique d'idéologie, aussi visible que lisible, aussi carrée que frontalement exposée, et dont l'extrême lisibilité en vertu de sa frontale visibilité repose en fait sur deux plans distincts dont l'articulation (idéo)logique est relativement intéressante à analyser. C'est que cette une (barrée du titre : « La vraie histoire du ''mal français'' » surplombant une vieille photographie des dirigeants historiques du PCF, Maurice Thorez et Jacques Duclos flashés sur le perron de l'Élysée en 1946) promet en effet plus qu'elle n'étreint, disant sans le savoir vrai sur des choses que la ligne éditoriale de la revue ignore ou méconnaît (sinon écarte avec mépris), tout en disant faux mais cette fois-ci en toute connaissance de cause.

 

 

 

L'intérêt bien compris du dire faux du Point, c'est de prétendre offrir la généalogie d'un mal national noté entre guillemets (comme si, timoré, le magazine n'assumait pas complètement de hausser la lutte des classes à son niveau maximal et suffisamment traumatique pour oser sans crainte du ridicule en rappeler au souvenir de l'URSS triomphante au sortir de la Seconde guerre mondiale), alors que – tout le monde le sait – les « blocages et les violences » relèvent de fait du champ d'action de la classe au pouvoir, les forces sociales se mobilisant notamment pour débloquer la société otage de l'hégémonie néolibérale. Le dire faux du Point se manifeste encore quand un implicite mais teigneux trait d'union est tiré entre l'antilibéralisme de Pétain et celui supposé de la CGT. Comme s'il s'agissait de prétendre que son chouchou Eric Zemmour était le porte-parole (alors qu'il n'en est que l'idiot inutile) d'une centrale syndicale historiquement décimée par les miliciens de la « révolution nationale » encore récemment défendue par l'idiot inutile au titre de sursaut obligé face au prétendu « suicide français ». Son dire faux, outre un autre implicite à la grotesque perfidie (le syndicalisme révolutionnaire est ici notifié avec sa date de naissance – 1906 et la Charte d'Amiens – et de décès – 2016 !), consiste enfin à prétendre déconstruire ce fameux « pacte social que personne n'ose toucher ». A l'exception de l'élite dirigeante au travail de la rogne dudit pacte depuis plus de trente ans et qui constitue pourtant le lectorat privilégié du magazine. C'est à la limite du foutage de gueule mais l'on doit comprendre ici l'astuce – quelque peu usée tant elle a servi et visiblement sert encore – selon laquelle en finir avec le programme social du Conseil National de la Résistance équivaudrait idéalement à liquider la mémoire de la compromission historique du patronat français avec l'occupant nazi.

 

 

 

En revanche, l'intérêt mal compris de l'involontaire dire vrai du Point pointe en toute inconscience ou méconnaissance qu'un mal authentiquement existe (en France mais partout ailleurs). Celui qui consiste en l'étatisation de l'idée communiste et sa capture corrélative dans la forme du parti léniniste parachevée dans son ossification historique avec l'avènement du stalinisme. Débloquer la société bloquée par le consensus imposé de force par l'oligarchie néolibérale exige alors aujourd'hui, tout autant de débloquer le communisme bloqué par l'histoire longue et moribonde du PCF (exemplifiée par les allures de bureaucrates rondouillards de ses chefs historiques), que d'émanciper l'idée communiste de toute capture étatique, partout, dans la rue et hors des urnes. Sur ce point, la une du Point, en plus de trahir la peur hallucinante, débile et irrationnelle d'un retour de manivelle du stalinisme, mérite d'être lue à la hauteur revivifiante de nos exigences révolutionnaires actuelles.

 

 

2 juin 2016


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