Autres textes de cinéma de 41 à 50

 

La restauration numérique du Joli mai, le premier long-métrage de Chris. Marker, dont la première mondiale eut lieu le 16 mai dernier à l'occasion du Festival de Cannes (le film était alors montré dans la sélection patrimoniale du festival, Cannes Classics) est de toute beauté. Financée par le CNC/Archives Françaises du Film et effectuée par Mikros Images, initiée du vivant de Chris. Marker avant son décès le 29 juillet 2012 et coordonnée par Pierre Lhomme (le chef opérateur du film généreusement promu co-réalisateur par ce dernier), cette restauration effectuée à partir du matériel 16 mm. original (le film ayant connu plusieurs montages lorsqu'il fut transféré en 35 mm.) offre à ce documentaire exceptionnel d'une durée approchant les 150 minutes la possibilité d'une nouvelle actualité qui n'autoriserait pas pour autant pas d'y gommer les marques du temps passé (« les rides » comme le dit lui-même en entretien Pierre Lhomme).

 

 

A l'occasion d'une conférence portant en mars 2009 à Londres sur « l'idée du communisme » à l'initiative d'Alain Badiou et Slavoj Zizek, Jean-Luc Nancy a insisté sur le noyau du concept de communisme, son cœur battant plutôt que sa racine, son fondement : le « commun ». Cette insistance, marquée chez lui depuis La Communauté désœuvrée (éd. Christian Bourgois, 1986) dans une discussion nouant les apports spécifiques de Maurice Blanchot et Georges Bataille comme de Martin Heidegger et Emmanuel Levinas, est probablement la marque d'une persistance de la question du commun comme tâche philosophique tout autant que comme urgence politique, par-delà la faillite même tant du communisme étatisé que du nationalisme exclusif propre à ce que Toni Negri a un jour appelé cette « merde d'État-nation ».

 

 

La boucle est bouclée. Il est évident qu'en créant le personnage d'Anakin Skywalker, à travers les six films que composent la saga Star Wars, commencée en 1977 et terminée pour le moment en 2005 (des suites sont en cours d'écriture, prolongeant le mouvement pour au moins quelques bonnes années, sinon décennies), Georges Lucas, à l'instar de Andy et Lana Wachowski pour la trilogie Matrix, s'est largement inspiré de traditions et de légendes. Nous pouvons citer celle des samouraïs (avec leur code d'honneur contraignant, le bushidô, en français la « voie du guerrier » qui ressemble au code Jedi) mais aussi aux histoires merveilleuses des Chevaliers de la Table Ronde. Ce cycle, popularisé au Moyen-Age par entre autres Chrétien de Troyes ou Marie de France, racontait l'histoire d'Arthur Pendragon (de sa naissance préméditée par le magicien Merlin à sa mort sur l'île mythique d'Avalon), roi des deux Bretagne, et de sa troupe de preux chevaliers.

 

 

La trajectoire militante et cinématographique de René Vautier force le respect tant elle est exemplaire. Et il y aurait tout lieu de lui consacrer le modeste récit, attestant de cette exemplarité même, qui serait comme l'équivalent de ce qui se désignait justement au Moyen Âge sous le nom d'« exemplum» (on pourra déjà se précipiter sur le long entretien donné dans notre journal en juin 2004 : ici). Exemplaire, cette trajectoire l'est en effet et ce, dès l'adolescence lorsque, seulement âgé de quinze ans, il entre en résistance (par le biais du scoutisme et des Éclaireurs de France de Quimper).

 

 

Alain Resnais, je me souviendrai toujours de la radicale modernité des courts-métrages des années 1950, criblés de dissonances au croisement électrique des formes supposées opposées de la culture et de la barbarie. Les films sont alors des combinatoires établissant, au lieu même d'un morcellement devenu valeur princeps, le kaléidoscope des rapports structuraux, à la vie à la mort, des premières formes avec les secondes.

 

  • Chantier A de Tarek Sami, Lucie Dèche et Karim Loualiche

 

Un film qu'il vous faudrait avoir vu pour qu'il vous regarde en vous montrant que ce que vous croyez de l'Algérie n'est pas commensurable avec l'inépuisable territoire que désigne ce nom. Un film à chaque fois raté, croisé une première fois au Festival Entrevues de Belfort en décembre 2013, puis une seconde fois aux Rencontres internationales des cinémas arabes de Marseille en avril dernier, avant de pouvoir enfin nous autoriser à ce que l'on puisse en face de lui fixer quelques idées à la suite d'une projection en présence des réalisateurs du film, samedi 10 mai dernier, au cinéma L’Écran de Saint-Denis dans le cadre du Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient.

 

 

Avec son second long-métrage, Riad Sattouf propose un conte dont l’ambition philosophique et satirique s’inscrit dans la tradition littéraire des histoires de Daniel Defoe, Jonathan Swift (Les Voyages de Gulliver en 1721, en particulier le quatrième voyage avec la description de la domination chevaline des Houyhnhnms sur les crasseux Yahoos) et Voltaire (Micromégas en 1752 et sa relativisation critique de la religion). Loin, pourtant, de porter la même charge critique, il ne fait que conforter, plutôt que bousculer, les préjugés - et nous laisse avec l’agréable idée que le sexisme et le racisme existent, mais bien loin de nos contrées.

 

 

Un prénom pourrait-il jamais mentir ? Lamine, c'est en biologie une protéine participant à la formation des noyaux des cellules, c'est surtout en arabe celui à qui l'on peut faire confiance. Au crédit de celui que l'on désignera ici par l'acronyme LAK (comme il y eut JMS et JLG pour les critiques des Cahiers du cinéma des années 1970), une poignée de films protéinés tournés comme qui dirait avec les moyens du bord, autrement dit en bordure précaire des courants molaires de la production audiovisuelle, précisément à l'endroit où, en Algérie comme en France, le cinéma redevient une possibilité engageante.

 

S'il s'agit alors pour Sylvain George, dans la continuité d'un geste esthétique et politique pour lequel la réalisation de films vaut manifestement comme sa scansion rythmique propre ou les battements de cœur d'un work-in-progress ininterrompue (grâce à la structure de production et de distribution indépendante Noir Production), d'aller vers Madrid pour y discerner dans la nuit néolibérale les phosphorescences rayées du tigre évoqué dans un poème de William Blake, il s'agira aussi d'attester pratiquement qu'un mouvement social d'ampleur national (le 15-M en Espagne requalifié ici de « mouvement des indignés » en référence au texte de Stéphane Hessel) découvre à mesure de la répression brutale subie qu'il entretient plus d'un rapport avec l'histoire de l'anti-franquisme.

 

Si on ne la connaît pas personnellement, on reconnaîtra pourtant les bois et les routes, les centres commerciaux et les enseignes de consommation de masse, les jardins publics et les allées pavillonnaires de ce qui constitue depuis quelques décennies l'archétype de la commune moyenne à forte proportion d'habitats résidentiels telle qu'il en existe un certain nombre en région francilienne. La fixité quasi-systématique des cadrages (mis à part deux légers recadrages) et le privilège constant du plan large manifestent ainsi d'entrée de jeu le souci d'en pointer les lieux communs censés établir la paix sociale à ses 13.000 habitants, figures quelconques vouées dans la profondeur de champ à jouir d'une existence quotidienne garantie sans événement perturbateur.