Autres textes de cinéma de 261 à 270

  • Making of de Cédric Kahn : Méta-film de casse (ouvrière)

 

Le cinéma se porte bien même quand des films qui s’en veulent les emblèmes font bruyamment accroire le contraire. Au chevet d’une condition ouvrière à l’agonie dont il braque les scènes héroïques comme un gauchiste sans révolution braque une pharmacie, Making of hystérise la représentation d’une conscience sociale parce qu’elle est tout ce dont le film de Cédric Kahn n’a aucun désir, sinon de préserver les hiérarchies. Prenez garde à la feinte putain quand elle s’agite, criant que tout va mal alors que pour elle tout va bien, merci.

 

  • May December de Todd Haynes : Le cocon des imagos contrariées

 

Le diapré prédispose aux diamants de l'ambivalence, qu'il taille en les arrachant à l'affront gangué des crapauds et des clichés. Le diapré de la manière de Todd Haynes, avec ses reflets irisés, ses surfaces miroitantes et la palpitation de ses lumières intermittentes, ne tait jamais que la réverbération a pour radical secret la verge, la baguette ou le fouet. Ce qui chatoie est un attrape-regard (l'œil-de-chat capture bien des désirs). Ce qui scintille sait l'incandescence de ses foyers (le jaspe à l'origine du diapré doit ses couleurs variées à ses lignes d'impureté).

 

  • Eurêka de Lisandro Alonso : Marabout de souffle

 

Si ses ailes de géant l'empêchent l'albatros de marcher, le plomb qui les afflige est l'entrave dans sa capacité de voler. Eurêka qualifie à l'origine la joie dans la trouvaille de hasard d'Archimède, le savant qui, sorti de son bain, courut nu dans les rues de Syracuse pour y porter la bonne nouvelle des lois de l'hydrostatique.

 

 

L'errance de la lettre par où le souffle des mots se faufile a des inflexions déterminées selon la langue, et dans la bouche d'étonnantes bifurcations et butées. La lettre R a un spectre de couleurs qu'examine la poétique synesthésique de Nurith Aviv, offrant à la consonne tout ce que Rimbaud avait déjà pu offrir aux voyelles.

 

 

Un film n'existe qu'à demi, une fois réalisé. Il n'existe pleinement qu'en vertu du regard de son spectateur, ne serait-ce que d'un seul. Au spectateur revient en dernière instance la possibilité qu'un film existe réellement, parce qu'il aura été vu. Les films ont besoin de spectateurs, et rien n'est moins vrai pour Les Nuits d'été, plus que jamais.

 

  • The Hitcher (1986) de Robert Harmon : Enchaînés, tamponnés

 

Le cinéma hollywoodien a le penchant des poursuites parce qu'il a la passion des persécutions. Le road-movie en est un genre plébiscité, désaxant destinations toutes tracées et vocations bien établies pour les dérouter. Et ouvrir ainsi au désert, celui inaugural des Rapaces (1924) d'Erich von Stroheim, où tout recommence d'un rapport aussi fondamental qu'initiatique à la violence - le degré zéro de l'arithmétique mentale étasunienne.

 

  • Hamlet en Palestine de Nicolas Klotz et Thomas Ostermeier : Les fossoyeurs de Palestine, la voussure de ses ébénistes


Tous les garçons s'appellent Hamlet, toutes les filles ont pour nom Ophélie. Voilà ce à quoi l'on avait pensé après avoir découvert Low Life (2011) de Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval. Un film de jeunesse-forteresse, tourné à Lyon redevenu pour l'occasion capitale de la résistance à l'heure du retour de Pétain, lézardé de courses et de traboules, hanté par Jacques Tourneur et Heiner Müller, peuplé de chamans et d'animaux totémiques. Avant Hamlet en Palestine, dédié six ans après à la voussure des ébénistes répondant aux fossoyeurs de Palestine.