Nouvelles du front de 281 à 290

  • Nouvelles 281 : Dix en juin (sous le phare obsédant de la peur)

 

La nuit remue, Henri, la nuit remue. Ce n'était encore qu'un petit halo, personne ne le voyait, mais lui, il savait que de là viendrait l'incendie, un incendie immense va venir, il est déjà là, et lui, en plein cœur de ça, il faudra qu'il se débrouille, qu'il continue à vivre comme auparavant (Comment ça va-t-il ? Ça va et vous-même ?), ravagé par le feu consciencieux et dévorateur.

 

  • Nouvelles 282 : Géologie de la séparation de Yosr Gasmi et Mauro Mazzocchi

(La terre dans l'œil des marcheurs)

 

Géologie de la séparation est une nouvelle balade au grand air, un autre vagabondage dans l'amicale compagnie de réfugiés pas bien vus et tellement mal regardés. Les exilés se révèlent ici les mystérieux gardiens de la mémoire tellurique de Pangée. La mythique Terre unique et ses dérives tectoniques jusque dans leurs yeux, la séparation originaire au fondement de tout mouvement, écartement et distance jusque dans leurs pas.

 

  • Nouvelles 283 : Nouveau Monde ! d'Élisabeth Perceval et Nicolas Klotz

(« Une profondeur de champ intérieur(e) », entretien avec le monteur musicien Alain Franco)

 

L'« artisanat furieux » (René Char) de Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval est un abri antinucléaire qui a accueilli un nouveau partenaire de travail, le monteur musicien Alain Franco, artisan d'une « dramaturgie musicale » qui participe à faire la singularité de Nouveau Monde ! Nous l'avons rencontré à l'occasion d'un dialogue consacré à la fabrique de ses « matériaux-musiques », ces vents tourbillonnaires soufflant entre les herbes d'Ouessant.

 

  • Nouvelles 284, 285, 286, 287, 288 : Chaud, froid, incorruptible (Catherine Breillat)

 

Catherine Breillat a 17 ans quand elle écrit son premier roman, L’Homme facile, chez Christian Bourgois. Le livre est publié en 1968, il est interdit au moins de 18 ans. La situation est alors extravagante : la censure interdit la lecture d’un livre qu’une jeune femme a écrit avant l’âge autorisé. La pornographie ne sera pas sa croix mais un carrefour, la croisée de son destin. Un quatrième roman est publié en 1974, Le Soupirail, qu’elle adapte au cinéma deux ans plus tard sous le titre d’Une vraie jeune fille. Depuis elle a écrit une quinzaine de romans, et tourné autant de films qui font du cinéma le lit nuptial d’une série de dépositions – cérémonials pour faits divers en contes de fée, blasons allégoriques et traités d’alchimiste.

 

  • Nouvelle 289 : Aux aguets pour passer le gué (la guerre de deux ans de Jocelyne Saab)

 

Le Liban part en morceaux, il faut moins accommoder les restes que tenter de raccommoder les lambeaux, au moins en cinéma. Partir en guerre contre les clichés d'un « Orient compliqué », c'est allier le souci de la lisibilité politique à une étonnante capacité de mobilité, qui est agilité tactique mais aussi une poétique tirant sa nécessité face à d'écrasantes gravités. Jocelyne Saab a la mobilité sauvage de l'enfance en prenant le parti des enfants de la guerre, et un sens du déplacement, de la capitale au Sud-Liban, protégé des captures de l'extrémisation des assignations communautaires et des antagonismes géopolitiques.

 

  • Nouvelles 290 : L'effet phi de l'amphigouri (le cinéma de Yórgos Lánthimos)

 

L'amphigouri est une figure de rhétorique connue, le style tarabiscoté à visée parodique, le galimatias censément assumé pour rire des conventions langagières et autres préciosités. L'amphigourique en rajoute, le toujours plus pour dégorger nos cocons et en faire gicler les bestiaires. L'amphigouri a aujourd'hui son effet phi, le réalisateur d'origine grecque Yórgos Lánthimos, qui trousse ses films en comblant tous les écarts comme s'il jouait à saute-mouton.